Interview réalisé le 30 novembre 2019
Hervé 59 ans vit en couple, à la Bernerie-en-Retz. Il reçoit assez souvent ses 4 enfants et 5 petits-enfants, vient « de la ville » mais a eu des grands parents paysans et des parents sensibles à l’alimentation saine, dans un modèle toutefois traditionnel de « manger à sa faim ». Il nous partage ici sa prise de conscience de l’importance du collectif et de la conscience individuelle pour construire une nouvelle société.
Comment s’est passée la prise de conscience qui t’a fait rallier le collectif ?
Dans ma manière de fonctionner habituelle, face à une situation critique j’analyse d’abord pour voir ce qui est réaliste et réalisable, je réfléchis donc avant d’agir.
Ce qui me freinait à passer à l’action avant, c’était de croire qu’individuellement je suis trop petit à l’échelle de la planète ou des enjeux locaux pour avoir un vrai impact. En voyant le film « Qu’est-ce qu’on attend », je me suis rendu compte que plein de petites choses, en collectif, font avancer les choses, qu’en se mettant en action individuellement on peut faire avancer et sensibiliser.
Je crois en l’échange des bonnes pratiques. Il faut les partager, ainsi que les savoirs et les expériences.
L’étape d’après c’est la solidarité. En effet, compte tenu des enjeux climatiques et de l’urgence environnementale il faut voir toutes les interactions de toutes les composantes de l’eco système et « le mettre à plat ». Si on veut adapter et transformer nos modes de vie — car je suis convaincu que l’on ne peut pas continuer ainsi —, nous devons être solidaires, ne pas s’opposer les uns les autres, l’intérêt est commun, pour tous et non pour un groupe A ou un groupe B, un pays A ou un pays B, qui se monteraient les uns contre les autres.
Par exemple la gestion des déchets plastiques à l’échelle de la planète : un pays F envoie ses déchets vers un pays I ou ses vieux bateaux, ça reste du plastique pour la planète, et ça devient très très problématique. Il faut donc en amont arrêter de mettre du plastique partout, et même arrêter d’en fabriquer et trouver un produit naturel pour le remplacer !
Il n’y a pas aujourd’hui de « régulateur planétaire », c’est-à-dire une entité qui a une vision et un pouvoir de régulation sur l’ensemble de la planète. Chaque pays décide de sa politique environnementale plus ou moins… Nous devons donc localement faire bouger les choses et tenter d’atteindre une masse critique pour que les choses bougent en plus grand, n’attendons pas une loi qui va tout verdir en deux ans…Prenons nous par la main, c’est un nouvel état d’esprit pour moi et ça doit devenir un nouveau mode de vie localement. Je ne suis pas adepte des méthodes violentes mais de la discussion, de la démonstration, l’éducation, donc de l’engagement individuel et collectif.
Dans les grandes villes la question n’est pas tant les transports que l’accès à l’alimentation locale : comment faire en sorte que des aliments de bonne qualité, sains, bios, soient accessibles au meilleur coût en limitant au maximum l’empreinte carbone de la chaîne logistique.
Je crois à un nouveau mode de société. Qui n’est plus la société de consommation, mais qui n’est pas non plus une société de contraintes individuelles, je pense que l’on peut vivre libres et heureux en respectant l’environnement sans avoir un joug sur la nuque, juste en étant conscient, en comprenant ce que l’on fait et ses impacts. À inventer !
Tous nos gestes du quotidien sont à relire sous l’angle de l’environnement : tout ce qui a été mis en place depuis les années soixante l’a été sans cette conscience. C’était ainsi, le progrès d’après-guerre, nos parents voulaient s’en sortir et cela passait par des rêves qui sont devenus des erreurs terribles que l’on ne comprend que maintenant. Je ne veux pas leur donner tort, c’était ainsi. Aujourd’hui, il faut tout analyser dans le détail décomposer chaque étape de fabrication, de commercialisation, d’achat, de consommation, tout. Et les reconsidérer, les refaire sous l’angle des contraintes environnementales et de ce que l’on ne veut plus.
Par exemple pour les transports le covoiturage (déjà bien établi) mais aussi une ramification des transports en commun, plus de capillarité dans les zones hors des villes.
L’intérêt du collectif, c’est d’échanger autour de ce qui est réaliste. C’est aussi une courroie de transmission avec d’autres associations comme les coquelicots, et les collectivités locales.
La conscience de la responsabilité individuelle ne se décrète pas. On est efficaces si on est mobilisés, motivés. Comment faire pour susciter cette motivation ? Le collectif est une possibilité et à tout âge on peut agir, même la génération dont je suis qui a baigné dans les mirages du progrès sans conscience écologique.
Quel est le bénéfice pour toi d’être dans cette démarche ?
Je n’en tire pas de bénéfice personnel. Lorsque je prends le train au lieu de la voiture, alors qu’il y a encore dix ans c’était un supplice pour moi de prendre le train, c’est un changement d’habitude, je le fais de manière volontaire et consciente. Mais je n’irai pas jusqu’à être complètement serré comme dans le métro parisien ou bien être soumis à des aléas trop grands de fiabilité, il faut aujourd’hui que les transports collectifs s’adaptent aux besoins des citoyens et des nouveaux modes de déplacements eco responsables plutôt que ce qui se fait actuellement, que les « usagers » s’adaptent aux transports.
De la même façon, je fais en sorte de ne plus utiliser l’avion pour mes déplacements, c’est un engagement récent, je crois que si plein de gens font des choix de ce type ça peut faire bouger.
Les choix de consommer autrement, je les assume. Ce ne sont pas des privations et donc je n’ai pas besoin d’en tirer bénéfice puisque c’est une démarche altruiste et un engagement.
Tout de même, ce qui me fait mal, c’est le plastique qui se retrouve dans le monde entier, dans tous les cours d’eau, les lacs. La pétrochimie a certainement aidé dans certains cas à améliorer l’existant, mais à quel prix ! Nous en payons maintenant les conséquences et c’est un secteur à mettre sous contrôle au plus vite et le plus complètement possible.
J’espère pouvoir contribuer un peu au monde. Je suis persuadé que ce n’est pas en donnant tort mais plutôt en ayant un rôle éducatif, en montrant ce que l’on peut faire chacun sur notre périmètre, en partageant les expériences et aussi l’enthousiasme de l’action, expliquer, expliquer et expliquer encore.