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Interview réalisé le 28 novembre 2019

Dominique, 63 ans, vit seule à la Bernerie-en-Retz. Elle reçoit souvent sa famille, enfants et petits-enfants. Elle nous partage dans cet interview la prise de conscience amenée par sa rencontre avec d’autres habitants de la Bernerie, et son nouveau mode de vie.

Comment en es-tu arrivée à participer au collectif le Temps des Cerises ?

Ce qui m’a amenée à m’intéresser au collectif, c’est que cela m’a fait prendre conscience de la nécessité de modifier ma consommation. Ça a commencé par la question financière. Arrivée à la retraite en 2016, ma question a été : comment réduire mon budget ?

J’ai passé en revue tous mes postes de dépenses. D’abord les abonnements aux magazines, puis les factures d’eau, d’électricité, de gaz, d’essence. J’ai regardé, non pas le montant dépensé, mais bien ma consommation.

Pour l’eau, j’ai chronométré le temps de mes douches, mis une bouteille en plastique dans la chasse d’eau pour réduire son volume, lavé moins souvent mes vêtements. Il y a comme une obligation lorsqu’on travaille de changer de vêtements tous les jours…

Pour le gaz, j’ai baissé mon chauffage de 1 degré, et ne dépasse plus 19 degrés de température.

Pour l’électricité, j’ai installé une multiprise avec interrupteur pour tout éteindre d’un coup les appareils en veille. Arrêté de faire griller mon pain le matin, fait un peu plus à manger d’un coup pour économiser l’énergie de cuisson. Organisé des circuits pensés avec ma voiture, où j’optimise mes déplacements.

Arrive l’hiver 2018 où je me sens très déprimée. Je ressens une prise de consciente terrifiante et une impuissance à agir davantage. Je me suis inscrite à la Fac de Nantes pour suivre le cours « Bienvenue dans l’ère de la peur. » Il s’agit de savoir comment l’être humain va pouvoir partager l’espace avec le monde du vivant. Mais je suis seule et arrive au bout de ma capacité de réduire ma consommation, sans en tirer grande gratification.

Est arrivée l’invitation au café-échange fin 2018 : de jeunes familles témoignent de leur engagement à réduire leurs déchets. C’est le déclencheur. Le film « Qu’est-ce qu’on attend ? » diffusé au cinéma de la Bernerie ne m’avait pas autant interpellé, j’avais déjà vu « Demain ».

J’avais intégré que je devais changer, moi, de comportement, mais j’étais arrivée au bout de mes « privations ». Ma découverte, c’est que j’ai besoin des autres ! 

Quel a été l’impact concret dans ta vie quotidienne ?

Le collectif se crée tout début 2019. Je m’engage à réduire mes déchets, en pesant chaque semaine mes poubelles. C’est une prise de conscience très concrète. Couplé à cela, il y a eu une prise de conscience via les émotions. La visite de l’écocentre, notamment la zone d’enfouissage, m’a laissée sans voix. Dans ce que tu as jeté dans ta poubelle « déchets ménagers », tout ce qui n’est pas organique est enfoui. On nous montre : là c’est la zone pour cette année, puis celle pour l’an prochain, et d’autres communes vont bientôt s’agréger à notre centre. J’en ai eu les larmes aux yeux. Tout devient évident : les bocaux, les petits sacs pour acheter en vrac. Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus rien dans ma poubelle noire. Trois levées par an suffisent, alors que le camion pour relever les ordures passe toutes les semaines, deux fois par semaine en été. Six levées pour la poubelle d’emballages.

Tout s’enchaîne…j’aime bien les défis qui stimulent, par exemple, un mois sans acheter de produit neuf. Ce qui est étonnant, c’est ma désintoxication des grandes surfaces. Depuis que le camion d’Aline, Vrac and Roule[1], vient au marché, je ne vais même plus au magasin bio.

Ce qui est bien dans le collectif, ce sont les petites recettes. Quelqu’un sait comment faire. Je ne consomme plus comme avant, il n’y a plus de marques.

Je fais partie du groupe jardin, qui est une expérience humaine intéressante, un peu à l’image du collectif : il y a à réinventer tout le temps.

Quelle est ta « récompense », ta gratification dans cet engagement ?

Elle est d’abord financière. Je maîtrise mon budget, vis plus simplement et sans avoir peur de manquer.

Il y a la satisfaction de participer à une sobriété qui m’apparaît comme vitale. Je n’écoute pas les autres qui sont sceptiques et qui peuvent déstabiliser :  à toi seule tu crois que tu vas changer le monde ? Je dois me réencoder, avec discipline, en étant assez « sévère » pendant quelque temps.

De voir que l’on est de plus en plus nombreux à partager ce souci et de tenter d’y remédier est gratifiant. Le risque néanmoins serait de se cantonner à se retrouver entre gens « bien-pensants ». Je témoigne un peu, mais sans vouloir convaincre. Je me sens « juste » dans mes actions, sans avoir besoin de me justifier.

Il s’agit de nous préparer à ce qui nous attend. Je ne suis pas optimiste, notre vie sera à changer à coup de privations et d’organisation. Arrêter d’être désinvolte. Être sérieux, responsable. Prendre le temps d’analyser ses gestes, fonctionner en comptant, mesurant.

La conclusion du cours à la Fac, c’était : se montrer responsable et solidaire.

Ma devise aujourd’hui serait : tu dois agir individuellement mais il est vital d’être stimulé par les autres.

Pour Noël 2019, c’est la première fois que j’achète un jouet d’occasion que je relooke. Jamais je n’aurais fait cela auparavant. Chez moi, pour montrer que la personne compte, il fallait mettre un certain prix. Là, j’ai acheté un cheval à bascule en bois à la ressourcerie[2] pour 6 euros, que je vais repeindre à ma manière. Petit Paul va adorer !

Comment vois-tu l’avenir ?

Depuis ma participation auprès du collectif ou grâce à elle, je me suis sentie capable de tenir un stand de sensibilisation imaginé par l’association Hirondelle dont je suis adhérente. Ainsi, j’ai échangé avec énormément de personnes rencontrées ainsi à Nantes pour la Mer Xxl, à Lorient pour le festival interceltique et à Pornic pour le WCUP day. Et sans vouloir convaincre, les échanges sur la réduction des déchets sont riches. Très peu de personnes refusent de s’interroger sur le sujet, beaucoup sont déjà en marche, quelques autres cherchent comment faire, et certains sont convaincus ! Je suis certaine que les gens sont prêts, il faut leur permettre d’agir et surtout bien communiquer et encourager les bonnes pratiques !


[1] Produits biologiques en vrac ou sans emballage (savon, dentifrice, shampoing en pains)

[2] Chic Planète à Pornic

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